jeudi 26 juillet 2007

Imam made in France

La France, Etat laïque peut-il se mêler de la formation des religieux qui prêchent dans les mosquées ? Ou doit-il laisser les associations et les pays étrangers qui les rémunèrent s'en charger ? Enquête sur un dossier piège

Citoyen avant d'être musulman? C'est non.» La voix est claire, tranchante. La lapidation des femmes ? «Les conditions ne sont pas réunies. Si l'ensemble du système islamique n'est pas mis en place, l'application d'un détail est caduque », répond doctement le jeune homme, assis dans la bibliothèque remplie de livres arabes offerts par de riches donateurs saoudiens. Et la peine de mort ? «Je suis pour, si les règles d'équité et de justice sociale sont rétablies.» On ose : l'instauration d'un Etat islamique ? Silence.
Taguelmoust blanc sur la tête et tunique longue assortie, barbe courte, Naïm, 24 ans, est un futur imam... français, né en France et formé en France. Diplômé en gestion d'entreprise, il est pensionnaire depuis trois ans del'Institut européen des Sciences humaines (IESH) de Bouteloin/Saint-Léger-de-Fougeret. Situé à 7 kilomètres de Château-Chinon, en rase campagne nivernaise, l'IESH est le premier centre de formation des imams de France. Il a été créé en 1990 par l'Union des Organisations islamiques de France (UOIF), proche du mouvement fondamentaliste des Frères musulmans, l'une des trois fédérations qui dominent le Conseil français du Culte musulman. Depuis 1992, il accueille à chaque rentrée près de 170 jeunes hommes et femmes venus étudier dans l'isolement et pour 2 800 euros par an l'arabe, le Coran et la théologie musulmane. Parmi eux, une poignée de garçons qui comme Naïm se destinent à devenir les guides de leur communauté.
Le discours de Naïm, précédé d'un «de toute façon, vous allez déformer mes propos» en guise de précaution oratoire, correspond-il aux grands rêves politiques d'un « islam de France » ? Est-il vraiment à même d'apaiser les craintes d'une population marquée par les dérapages verbaux de l'imam expulsé de Vénissieux, Abdelkader Bouziane ? Dans une interview publiée en mars 2004 par le magazine « Lyon Mag », l'imam salafiste (ultrarigoriste), polygame et père de 16 enfants, prônait au nom du Coran le châtiment corporel des femmes adultères. L'affaire avait alors déclenché des déclarations politiques extrêmement virulentes. Nicolas Sarkozy commentait : «L'imam Bouziane, ce n'est pas l'islam de France, c'est l'islam en France, et celui-là nous n'en voulons pas.»
Le problème précisément, c'est que les imams en France sont rarement des imams de France. 80% d'entre eux sont de nationalité étrangère et bien souvent ne parlent pas ou mal notre langue. Quelques centaines sont des fonctionnaires payés par les Etats turc et algérien, avec pour mission d'entretenir la fidélité entre les communautés immigrées et leur pays d'origine. D'autres sortent des madrasa marocaines. Un certain nombre est issu des grandes universités arabes comme Al-Azhar en Egypte. Quelques-uns sont autoproclamés. Une part infime enfin est diplômée de l'un des trois instituts existant en France : l'IESH de Bouteloin, son annexe à Saint-Denis (93) et l'Institut de la Mosquée de Paris.
Bref, l'imamat en France, c'est «l'anarchie», selon le mot du mufti de Marseille Soheib Bencheikh. Et le casse-tête des ministres des Cultes successifs depuis quinze ans. Dossier «prioritaire» pour Villepin, Sarkozy et le CFCM, le problème de la formation des imams est surtout un dossier piège. D'autant plus sérieux qu'en France l'imam a acquis un statut bien plus important que dans les pays musulmans, qui rappelle celui du curé d'autrefois. Mais aussi parce qu'on estime à plusieurs centaines le nombre de ces « guides de la prière » manquant dans les mosquées. Auxquels s'ajoutent d'autres dizaines d'aumôniers, réclamés dans les hôpitaux, les prisons et depuis peu, dans l'armée. Comment dès lors répondre aux besoins réels des musulmans français, tout en écartant les prêcheurs radicaux ? Faut-il, en l'absence de clergé musulman, passer outre la loi de 1905 sur la laïcité et s'immiscer dans la gestion des cadres de l'islam ? Laisser au CFCM - qui ne compte aucun imam parmi ses membres - le soin d'établir des listes de «bons ministres du culte» ? Ou abandonner la tâche aux associations musulmanes elles-mêmes, comme c'est le cas aujourd'hui ?
La volonté affichée de l'Institut de Bouteloin et de son directeur, l'Irakien Mahmoud Zouheir, par ailleurs co-créateur de l'UOIF en 1983, est à première vue séduisante : l'IESH a pour mission de former des «cadres musulmans ayant à la fois une qualification scientifique théologique et une bonne assimilation de la réalité occidentale. Elle représente le moyen le plus efficace pour une intégration positive des musulmans dans les sociétés européennes», dit la plaquette de présentation. Mahmoud Zouheir de renchérir : «L'Etat n'a pas à se mêler de la formation des imams. Nous leur proposons déjà des cours sur la civilisation et les institutions françaises.» Et puis, «c'est insultant de vouloir apprendre à quelqu'un qui est né et a grandi en France à être français!» s'insurge encore Naïm, notre apprenti imam.
Entre deux prières, au réfectoire de l'IESH, les étudiants religieux, filles obligatoirement voilées d'un côté, garçons de l'autre, déjeunent devant Al-Jazira, la chaîne arabe d'information, sur laquelle ils peuvent suivre les émissions du formateur vedette du centre, le cheikh Youssouf al-Qaradawi... Un idéologue qui prône une lecture salafiste et sexiste du Coran. Dans son ouvrage « le Licite et l'illicite en islam », il écrit par exemple qu'il est permis de battre sa femme. Selon le même personnage, et c'est aussi l'avis du Conseil européen de la Fatwa qu'il préside, les attentats suicides contre les juifs d'Israël, qu'il nomme des «opérations de martyre», constituent une simple «forme de résistance à l'occupation». Or Qaradawi est membre du conseil scientifique de l'école.
«C'est dire, conclut Caroline Fourest, la fondatrice de la revue «ProChoix», si, loin de développer une ouverture d'esprit, la formation des imams à Château-Chinon peut enfermer toute une génération d'imams français dans une vision de l'islam parfaitement fondamentaliste, radicale et tout aussi dangereuse que s'ils avaient fait leurs études à l'étranger.»
En treize ans, l'IESH n'a diplômé qu'une quarantaine d'imams. Les jeunes Français manquaient d'enthousiasme pour se lancer dans une carrière sous-payée. Aujourd'hui, les imams ont encore très souvent un emploi rémunéré et prêchent de manière bénévole. Mais la situation évolue peu à peu. Les associations, de plus en plus désireuses de s'attacher un imam permanent, s'engagent davantage à les rétribuer. Avec l'ouverture en 2001 de son annexe à Saint-Denis, dirigée par le docteur Ahmed Jaballah (également membre de l'UOIF et du Conseil de la Fatwa de Dublin), la création de stages de formation accélérée et de filières de formation à distance, l'UOIF constitue bien la première force de formation d'imams français.
Face à elle, l'Institut Ghazali de théologie, ouvert par la Mosquée de Paris en 1993, lié au gouvernement algérien, fait piètre figure. De l'aveu même de son directeur, Abdelkrim Bekri, ex-directeur de l'Institut de Formation des Imams d'Oran, «aucun imam n'est pour le moment diplômé de l'Institut, qui n'a pas fonctionné pendant plusieurs années». Mais 2006 verra enfin sortir sa première promotion d'imams ayant suivi les quatre années du cursus !
Souvent critiquée pour son manque d'organisation et le niveau très hétérogène de ses 60 élèves, la formation est même dénoncée dans certains couloirs ministériels comme «une filière d'immigration pour l'obtention des visas». Pour l'intellectuel Sadek Sellam, spécialiste de l'islam contemporain, si la formation de l'UOIF est «une formation idéologique qui défie la laïcité», celle de la Mosquée de Paris est tout bonnement «folklorique» ! Certes balbutiante, elle enseigne un islam traditionnel, moins réformateur que celui affiché par le recteur Dalil Boubakeur, mais un islam « modéré ». En inscrivant à son programme les cours de deux professeurs français, non arabes et non musulmans, elle fait preuve d'une relative ouverture que confirme sa volonté de collaborer avec l'université française. Une initiative largement impulsée par Dominique de Villepin, alors ministre de l'Intérieur, qui avait lui-même souhaité qu'une formation profane en faculté complète la formation théologique dispensée à la Mosquée. Un moyen aussi pour l'Etat de contourner les lourdeurs du CFCM, où les patrons de fédérations, prêchant pour leur chapelle réciproque, s'opposent à toute avancée. Depuis les élections de juin dernier, on n'a toujours pas réussi à se mettre d'accord sur la composition des différentes commissions du Conseil !
Après l'échec l'an passé d'une tentative de rapprochement avec la Sorbonne, et le bruyant rejet par son Conseil de la Vie étudiante d'une convention de diplôme universitaire réalisée dans la précipitation et avec un peu d'amateurisme, la Mosquée a repris des pourparlers avec Paris-VIII. Cette fois-ci, pas de diplôme spécifique destiné aux futurs imams, mais la possibilité pour les étudiants religieux d'«entrer dans nos modules de formation avec les autres, et sur les mêmes critères», explique le président d'université Pierre Lunel. Droit, histoire, civilisation française... la formule n'est pas encore votée par le Conseil de la Vie étudiante de Saint-Denis.
Où sont passés les ambitieux projets de fondation d'un institut national de théologie islamique sur le modèle des facultés catholique et protestante préconisé par Pierre Joxe il y a déjà vingt ans ? Pour le moment, ils sont abandonnés. Et les objectifs révisés à la baisse. Fin 2004, Dominique de Villepin ne proposait ainsi plus qu'une «formation continue d'initiation au français» pour les imams déjà en exercice. «Cela fait des années que l'on tourne en rond! Il y a un moment où il faut faire avec ceux que l'on a et ceux qui vont arriver, et réfléchir aux moyens de les préparer à la société française», justifie Bernard Godard, chargé des cultes au ministère de l'Intérieur. Mais sur le terrain, rien de concret.
Dans « Libération » du 21 février 2003, Nicolas Sarkozy s'exclamait pourtant : «Je ne vois pas ce que la République aurait à gagner à continuer à recevoir des imams qui ne parlent pas un mot de français et qui défendent un islam incompatible avec nos valeurs.»
Faute d'avoir trouvé la solution sur son territoire, le gouvernement français développe une nouvelle stratégie : communiquer avec les universités du monde musulman et passer des accords sur place. En décembre, il a ainsi signé à l'ambassade d'Ankara une convention avec la Turquie prévoyant d'enseigner le français aux futurs fonctionnaires du culte. Mais un imam parlant français parle-t-il nécessairement démocratie ? «Attendez de voir dans vingt ans, relativise Bernard Godard. A l'allure où l'Eglise catholique recrute à l'étranger, on aura peut-être plus d'imams français que de curés français!»



Marie Lemonnier
Le Nouvel Observateur

4 commentaires:

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